Vol.3 - Acid Baby

Allez-Làààà c'est reparti. On est 10 de plus que lors du précédent numéro. Bienvenue aux 10 derniers. Vous arrivez pile à l'heure pour un voyage aux origines de la culture rave.

Allez Làààà
8 min ⋅ 25/10/2022

Aujourd’hui on va parler de 3 trucs à l’origine d’une des plus grandes révolutions musicales des 50 dernières années.

Voici tout de suite la playlist 👇👇👇.

Petite particularité cette semaine. On va aller du plus récent au plus ancien. Du plus mainstream au plus niche. Histoire de ne pas dégouter ceux qui pourraient avoir des apriori sur l'Acid du genre "c'est trop vener pour moi", "c'est pas agréable à écouter" tout ça. On clique sur PLAY et c'est ti-par.

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Le premier truc c’est l'histoire d'un fail business.

Et ouais, une fois n’est pas coutume, on va parler pognon et plus précisément échec commercial dans ce vol. 3. Flashback en 1981, quand il prend l’envie à la marque japonaise d’instruments de musique Roland de remplacer les bassistes par des boites à rythme. Ils ont l’impression que tous les groupes rock de l’époque galèrent à trouver leur bassiste, et boom, l’idée de génie : on va créer un instrument électronique capable de remplacer le son de la basse. Moins de logistique pour les répét, plus de liberté créative, à priori c’est le coup du siècle. Sauf qu’en réalité la cible s’en fout et dès 1984 la marque va décider d’arrêter la production de sa super boite à rythme. A peine 10000 unités écoulées dans le monde en 3 ans. Pas ouf la révolution.

Le nom de cette boite à rythme ? TB 303

Si je le cite ce n’est pas pour discuter de la stratégie de naming qui mériterait sans doute un petit article de la part des copains de CDLT mais c’est parce que ce nom, TB 303, va devenir iconique. Après la fin de sa commercialisation en 84, les quelques propriétaires déçus de la machine cherchent à la revendre dans des « music stores » locaux pour en récupérer quelques dollars. De fil en aiguille les TB 303 d’occas se retrouvent à la vente pour pas très cher et c’est là que ça devient cool. Des musiciens des ghettos de Chicago commencent à s’amuser avec. Ils en sortent quasi immédiatement un son totalement nouveau et ultra-reconnaissable. Voilà comment comment ça marche pour ceux que ça intéresse.

La son de la TB 303 c’est une sorte de basse très rough, métallique et aiguë qui donne l’impression qu’on a de l’acide qui coule dans les oreilles. Au milieu des années 80, l’underground de Chicago baigne déjà dans la House music et les producteurs de House décident de ramener cette sonorité acidulée dans leurs créations. Des gars comme DJ Pierre, Marshall Jefferson, Adonis se jettent à corps perdus dedans et en 1987 sort Acid Tracks de Phuture, le groupe de Spanky, Herb J et DJ Pierre. C’est le premier vrai titre de acid house et avec ça, le début du mythique label américain Trax Records.

Info people 😎 : Une dizaine d'années plus tard, les Daft Punk composeront Da Funk avec la fameuse TB 303.

A partir de là tout va s’accélérer avec un 2ème truc.

A l’époque, et encore aujourd’hui, les anglais aiment bien aller se la coller à Ibiza pendant l’été. En 87, l’ile n’est pas encore le cliché David Guettesque qu’elle est devenue aujourd’hui mais elle est déjà envahie de hippies, de jet-setteurs et de teuffeurs européens qui y découvrent une version totalement débridée de la fête. Des gros clubs à ciel ouvert, des soirées qui ne finissent jamais. Jour et nuit on danse sur de la musique très éclectique et ça change radicalement des clubs anglais de l’époque. Les années Thatcher ont fait exploser toutes les inégalités dans le pays. Les night-clubs londoniens sont devenus trop élitistes, la plupart des jeunes s’y font recaler et les autres villes d’Angleterre comme Manchester, Liverpool et Sheffield sont totalement marginalisées.

Tout le monde a envie d’autre chose.

Cet été là Paul Oakenfold, Danny Rampling et quelques uns de leurs potes DJs et organisateurs de soirées se retrouvent à Ibiza pour les 24 ans de Paul. Ils se rendent dans le mythique club Amnesia à Ibiza : une ancienne ferme, très loin du centre, qui ouvre à 3h du mat’ et qui ferme le lendemain dans la journée. Là bas ils vivent une soirée qui les sidère de bout en bout. Aux platines DJ Alfredo Fiorito : le père fondateur du style Balearic, argentin d’origine, qui adore se balader dans tous les styles de musiques pendant ses sets. U2, Talking Heads, Prince, pas mal de musique sud- américaine et bien sûr… de la house. Il se trouve qu’il est bien pote avec un des membres de l’équipe du Paradise Garage, le temple de Larry Levan et de la disco/house à NYC. Il peut donc facilement récupérer les derniers disques de House américaine : Frankie Knuckles, Ron Hardy, entre autres.

Ce soir là, à l’été 87, il joue le fameux Acid Trax. Nos petits anglais sont en pleine montée d’ecsta et deviennent fous en écoutant cette musique totalement nouvelle. Ils repartent d’Ibiza quelques jours plus tard avec la folle envie de reproduire la même chose dans les clubs qu’ils gèrent en Angleterre. C’est ce qu’ils font avec les soirées Spectrum, Shoom et Trip. Au passage, Danny Rampling choisira de mettre un petit smiley jaune sur ses flyers et d’en faire le logo de sa soirée Shoom. La suite, vous la connaissez…

La carte de membre des soirées Shoom de Danny RamplingLa carte de membre des soirées Shoom de Danny Rampling

A peu près au même moment, un autre anglais de Manchester, le DJ Mike Pickering, fait aussi un voyage du genre à Ibiza. En rentrant, il ramène de l’acid house dans ses caisses de disques pour animer sa soirée HOT. Grâce à lui et à cette soirée, le club où il joue les mercredis soirs va être immédiatement satellisé parmi les plus légendaires qui soient. Ce club c’est l’Hacienda, créé par un ponte de la musique, Tony Wilson, le manager de Joy Division, New Order et Happy Mondays. Les jeunes mancuniens y déferlent pour écouter des sons comme Love Can't Turn Around de Farley Jackmaster Funk. Ils repoussent constamment les horaires de fermeture et les soirées se font une réputation dans toute l’Angleterre dès la fin 87.

« The wind is changing » : C’est comme ça que Paul Cons, le promoteur de l’Hacienda, choisit de résumer ce qui est en train de se passer musicalement au nouveau petit DJ résident qui vient de débarquer à l’Hacienda, un certain Laurent Garnier.

La rave culture est lancée. En club ou en open-air, des dizaines de milliers de teufeurs se rassemblent tous les weekends en banlieue londonienne et dans les campagnes anglaises. L’été 88 sera d'ailleurs surnommé « The Second Summer of Love ». C’est le début des hotlines, du mumuse avec les flics et des scandales.

Oui parce qu’il y a un 3ème truc qui a fait exploser l’Acid House.

L’arrivée de l’ecstasy en Europe pile poil à ce moment là. Les planètes s’alignent. La sonorité rapide, enveloppante et puissante de l’acid matche parfaitement avec les effets de l’ecsta. Les jeunes prennent ce qu’ils ont sous la main pour oublier la grande précarité économique de l’époque, le début du chômage de masse et les inégalités abyssales qui affectent la société. Bref, tout s’entrechoque en l’espace de quelques mois. Evidemment les tabloïds s’engouffrent dans tout ça et font grandir l’amalgame entre popularité de l’acid music et recrudescence de la consommation d’ecstasy. La répression s’intensifie beaucoup dans les soirées et les artistes de plus en plus influents répondent.

ACID MUSIC. NOTHING TO DO WITH DRUGS.

Voilà les premières paroles du son Flashback de Laurent Garnier.

En réalité, ce climat ne fait que renforcer la dimension contre-culturelle du phénomène rave. La vague est déjà lancée. Impossible de l’arrêter.

Les premiers hymnes rave sortent :

  • Acperience 1 de Hardfloor

  • Higher State of Consciousness de Josh Wink

  • Energy Flash de Joey Beltram.

Les tauliers de la scène acid/rave deviennent vite des DJs superstars : Jeff Mills, Richie Hawtin (aka Plastikman), le belge Emmanuel Top et le légendaire Laurent Garnier.

L’acid sera omniprésente en teuf pendant toutes les années 90 (et encore aujourd’hui) mais son côté un peu rêche et agressif (j’en conviens) ne lui permettra pas de devenir totalement mainstream telle quelle. Beaucoup d’artistes électro y feront donc référence dans des hits plus populaires en adoucissant un peu les angles de ce style subversif. Si tu aimes les Daft Punk tu peux entendre de l'acid dans Veridis Quo par exemple.

En résumé : Pas besoin d’être un anglais défoncé sous MD pour aimer ce son (même si, on est d’accord, ça aide un peu).

Je termine ce vol.3 avec un des mes titres acid préférés. Tout doux. Il s’agit d’un remix du producteur Tin Man. Il reprend le titre Voyage vers l’Harmonie d’un artiste ambiant français Luc Marianni. A ne pas confondre avec le député Thierry Mariani qui lui n’écoute probablement pas mes playlists. Je l’ai découvert il y a quelques années chez un disquaire de Manchester. Tiens tiens…

Longue vie à l’acid.

A dans deux semaines.

Allez Làààà

Par romain brignier